Arnaques aux titres de séjours sur Tic-Toc

Un homme d’affaires italien aux fréquentations douteuses et deux Algériens auraient extorqué plus de 300.000 euros à des étrangers en situation irrégulière en France. 15 victimes ont porté plainte. Prés de 40 personnes auraient été escroqués. Les faits remontent en fait à 2021.

Voici ce qu'écrit à ce sujet le site StreetPress.

Abus de faiblesse

Vivre sans papiers, c’est souvent survivre sans droits. C’est d’abord s'endetter pour voyager aux mains de passeurs. Puis, c’est se faire exploiter au travail et cumuler les heures sup’ pour un salaire de misère. C’est aussi louer trop cher un logement indigne à un marchand de sommeil. Seule solution pour sortir de ce cercle vicieux : obtenir un titre de séjour. Mais là encore, comme le racontent ces deux enquêtes, les exilés sont parfois victimes des escrocs.

Une solution, la régularisation.

✍️ Mathieu Molard (Rédacteur en chef de StreetPress.com)

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Près de 40 Algériens victimes d’une arnaque aux titres de séjour
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­Voici le texte de l'arnaque
« Salam Aleykoum, les amis, la famille, j’ai une bonne nouvelle ! Les gens qui habitent à l’étranger (...) qui habitent en Europe, dans n’importe quel endroit, et qui n’ont pas de papiers, il y a une résidence de deux ans en Italie. Une carte de séjour de deux ans en Italie ! Si vous êtes intéressés, contactez-moi sur Instagram, en privé. »

On est en juillet 2021. Une vidéo publiée par le compte TikTok @fateh_stras_officiel – qui n’existe plus aujourd'hui –, tourne sur le réseau social chinois et sur Instagram. L’homme qui s’exprime en dialecte algérien depuis le siège d’une voiture pimpante est Fateh Laouacheria, l’un des trois hommes impliqués dans une vaste arnaque aux titres de séjour qui visait des Algériens sans-papiers vivants en France. Selon nos estimations, près de 40 Algériens auraient été délestés de plus de 320.000 euros au total. 15 d’entre eux ont porté plainte pour des « faits d’escroquerie en bande

organisée ». L’affaire a été confiée au tribunal de Strasbourg (67).

En octobre, je prends connaissance de la plainte de 15 Algériens envoyée au tribunal correctionnel de Paris pour des faits « d’escroquerie en bande organisée ». Ils ont entre 22 ans et 39 ans et habitent pour la plupart en région parisienne. Le dossier nous intéresse immédiatement parce que cette arnaque aux titres de séjour a l’air rocambolesque. Mais aussi parce que les plaignants sont des sans-papiers et que la justice, débordée, a tendance à ne pas faire de ces affaires une priorité.

Quand je les rencontre ou que leur parle au téléphone, les Algériens qui se sont fait avoir se sentent humiliés par ce qu’ils ont vécu. « Pour avoir défendu beaucoup de personnes en situation irrégulière, elles ont souvent peur d'avoir recours à la police, même en tant que victime », explique Antoine Ory. Ils comptent sur notre article pour les aider à obtenir justice. Je préfère les prévenir que ça ne sera peut-être pas le cas pour ne pas nourrir de faux espoirs.

L’autre enjeu de cette enquête est qu’elle est internationale. Certaines victimes ne parlent pas français. Nordine, l’Algérien qui mène le groupe de plaignants, ne maîtrise pas totalement la langue de son pays d’adoption. Sa femme Sheherazade – qui, quant à elle, parle français couramment – est présente lors de notre entretien et nous aide à rendre la conversation plus fluide.

Ces magouilles dépassent les frontières de la France. On découvre rapidement que l’un des arnaqueurs entretient des liens avec des personnalités louches en Italie et en Algérie. Il faut aussi traduire les dizaines d'enregistrements audio et vidéo qui sont en darija, le dialecte maghrébin. Sur certaines vidéos, l’un des escrocs, Gianni Riccardi, s’exprime en italien. La prise de contact avec des sources sur place est compliquée. La barrière est linguistique mais aussi culturelle. Difficile de mettre la main sur Gianni Riccardi via les réseaux sociaux. D’autant qu’il donne le sentiment d’avoir effacé sa présence en ligne. Le capitaine de l’équipe de football locale de Terracine, la ville où il vit, nous répond sur WhatsApp : « Il n’est resté qu’une semaine et je l’ai viré. Je ne connaissais pas bien ce mec ». Partout où il passe, Gianni Riccardi semble avoir laissé une impression d’illusion.

En 2016, le charlatan italien a aussi présenté un projet touristique de « haut standing » dans une région isolée au cœur du Sahara algérien dont il devait gérer la construction. Sept ans plus tard, sur Google Street View, la zone où devait s’implanter le complexe hôtelier est toujours aussi désertique. Pour vérifier l’échec de ce projet, j’appelle le service étatique qui s’occupe du tourisme dans la région. Il a fallu composer le numéro du standard à plusieurs reprises pour tomber sur un interlocuteur francophone. Qui a finalement confirmé qu’il s’agissait, une fois de plus, d’un mirage.

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