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Motion d'orientation générale de l'AMF

L'Association des Marocains en France s'est donnée, depuis sa création en 1960, le rôle de défense des populations immigrées et issues de l'immigration installées en France.

Pour cet effet, l'association n'a cessé de développer et de consolider son organisation ainsi que ses actions en fonction de l'évolution de l'immigration d'une part et, d'autre part en fonction de l'évolution du pays d'accueil.

L'action stratégique de l'AMF était la défense des intérêts des immigrés en vue leur insertion dans la société française. Pour cet effet, l'association a su mettre en lumière des revendications globales et diverses des populations immigrées et issues de l'immigration, à sa voir des revendications d'ordre économiques, sociales, politiques et culturelles.

Il faut souligner brièvement ici que l'AMF a connu un parcours associatif divers et riche en action et en évolution. En effet, de l'attachement à une identification principalement liée au pays d'origine (Maroc) et aux problèmes auxquels se confronte le peuple marocain y compris les Marocains à l'étranger et de l'importance que l'AMF a accordée depuis les années 70 à la scène du pays d'accueil et aux conditions de vie et de travail de l'immigration en France, l'association, l'AMF a élargi son champ d'intérêt et d'action en s'investissant dans des préoccupations d'ordre générales : sociale et politique notamment.

Ces changements survenus dans la stratégie d'action de l'AMF est liée principalement à l'évolution de l'immigration elle-même. Désormais, l'immigration n'est plus liée uniquement au travail mais elle est profondément insérée dans la vie sociale et politique du pays d'accueil. De ce fait, l'immigration est passée du provisoire au définitive, de l'immigration célibataire à l'immigration familiale et de peuplement.

Sur la base de cette évolution profonde qu'a connu l'immigration, l'AMF devrait œuvrer pour une approche globale : sociale, économique, politique et culturelle de la question de l'immigration. D'où, l'orientation générale de l'AMF est appelée à mettre en place des revendications de l'immigration dans tous les domaines sans restriction, aussi bien en ce qui concerne les revendications liées au pays d'accueil ou les revendications liées au pays d'origine.

L'égalité des droits

L'exclusion économique, politique et sociale que vit l'immigration de manière générale, ainsi que l'aspect juridique qui réglemente la vie et la situation de l'immigration aujourd'hui, font souligner l'importance de la lutte pour l'égalité totale des droits entre nationaux et immigrés et ceux d'origine immigrée.

Cette lutte est la forme qui caractérise l'action politique de l'immigration en vue de participer à l'effort de transformation sociale et démocratique. Elle devient une revendication essentielle des droits de l'Homme.

* Sur le plan politique

L'immigration n'est plus seulement une main d'œuvre mais une réalité sociale, politique et culturelle. Elle participe à la production de la richesse collective à travers le travail et la participation à la gestion de la cité. Dans ce sens, le droit de vote et d'éligibilité reste une revendication centrale de l'AMF. Bien que l'acquisition de ce droit ne suffit pas à elle seule à réduire l'exclusion et les inégalités des immigrés et ceux issus de l'immigration.

La représentation de l'immigration au sein des institutions officielles peut constituer une dimension essentielle pour faire avancer les acquis de l'immigration. La participation des immigrés dans "les conseils consultatifs" para-municipaux est un pas vers l'obtention du droit réel au vote et à la participation politique et citoyenne.

La citoyenneté réelle doit passer donc par la réalisation de l'égalité des droits. L'AMF opte, dans ce cadre, pour une citoyenneté effective basée, non sur le critère de la nationalité, mais sur celui de la résidence et de l'ancienneté.

Comment se fait-il qu'un ressortissant européen devient citoyen à part entière après 6 mois de séjour en France, alors qu'un ressortissant extra-européen ne deviendra jamais citoyen même après 20, 30 ans, voire plus, de séjour ?

* Sur le plan législatif

Depuis plus de 20 ans, les gouvernements successifs n'ont cessé de s'attaquer au premier lieu au chantier de l'immigration. Depuis l'arrêt officiel de l'immigration en 1975, l'ordonnance 1945 a été modifiée 25 fois.

Le thème de l'immigration surgit depuis dans l'actualité pour s'affirmer comme un enjeu politique, social et médiatique de grande importance. Il devient en outre l'un des objets de différentes campagnes électorales. Cet "intérêt" porté au thème de l'immigration est, en réalité, la conséquence de la progression et de l'influence des idées et mouvements racistes et xénophobes en France.

Les différentes législations en matière de l'immigration et du droit d'asile, depuis plus de 20 ans, reposent principalement sur l'idée de la suspicion permanente envers les immigrés et les demandeurs d'asile. Comme elles reposent également sur la logique sécuritaire et l'idée que les immigrés sont responsables de tous les maux de la société française.

L'AMF doit, dans ce cadre, contribuer à la mise en place d'une politique juste, progressiste et généreuse de l'immigration se basant sur les traités internationaux concernant les droits de l'Homme et les droits des travailleurs immigrés et les minorités ethniques.

* Sur le Plan économique et social

La situation de l'immigration sur les plans économique et social se caractérise par l'instabilité, la précarisation et l'exclusion. La conséquence en est le caractère inégal réel et quotidien malgré l'égalité juridique formelle.

Les développements importants qu'a connu la structure sociale de l'immigration et ses besoins font que la lutte pour les droits sociaux constitue encore l'aspect central de la lutte de l'immigration et de ses associations et nécessitent en conséquence la mobilisation de toutes les énergies pour faire avancer les revendications principales des populations issues de l'immigration.

Dans ce sens, le droit au travail, l'arrêt de la discrimination à l'embauche, le droit de vivre en famille, le droit au mariage sans suspicion, l'égalité du traitement dans la sécurité sociale, les droits aux prestations sociales familiales sans restriction territoriale pour les travailleurs immigrés au chômage et leurs enfants restés au pays, le traitement égal de la police et de la justice sans considération d'origine… en constituent les principaux revendications sociales et économiques de l'immigration.

Ainsi le droit à un logement décent représente l'expression première d'une reconnaissance sociale. C'est l'une des conditions primordiales afin d'éradiquer bon nombre de manifestations de l'exclusion, de la marginalisation, de la ghettoïsation et de la discrimination sociale et raciale.

* Sur le plan de la culture et de l'éducation

L'accès à la culture, le respect de la culture d'autrui et l'accès à l'éducation sans discrimination raciale ou sociale constituent une condition essentielle de la promotion sociale et citoyenne des populations immigrées et issues de l'immigration.

L’école, à ce propos, prend une place importante, car son rôle est de garantir l’éducation des enfants selon les valeurs établies (laïcité, république, égalité, rejet du racisme) et d’intégrer les individus dans la société. Elle est, de ce fait, appelée à ouvrir ses portes à toutes les cultures.

Les solutions à l’échec scolaire dont sont victimes les enfants issus des milieux défavorisés, dont un certain nombre d’enfants issus de l’immigration, ne résident pas uniquement dans le soutien scolaire. La solution nécessite la mise en place des mesures concrètes et efficaces pour venir en aide aux familles des enfants en échec scolaire. Car, c’est la situation familiale et le milieu social dont le quel vit et grandit l’enfant qui amène à un tel échec.

En ce qui concerne la question de la promotion culturelle des populations immigrées et celles issues de l’immigration, là les acteurs associatifs sont appelés à assumer un rôle primordial. Ils doivent mettre à disposition des immigrés et ceux issus de l’immigration tout leurs biens en moyens en vue de promouvoir leur expression culturelle (artistique, théâtrale, musicale, sportive…).

Les acteurs associatifs sont appelés également à favoriser et faire connaître à la culture d’origine des populations immigrées en France. C’est bien la culture populaire qui devrait être favorisée par l’action associative et non celle propagée par les pouvoirs et qui est destinée à la consommation et la manipulation.

Ainsi donc, parlons de l’intégration, celle-ci ne peut se réaliser concrètement sans l’égalité totale des droits et la promotion sociale et citoyenne réelle et effective de tous résidents en France. L’intégration n’est, dans ce sens, que l’aboutissement de l’amélioration des conditions de vie des immigrés et ceux d’origine immigrée et cela dans plusieurs domaines : économique, politique, sociale, culturelle, juridique…

LA QUESTION DES SANS PAPIERS

La question des sans-papiers et celle de l’immigration clandestine ne sont en réalité que la manifestation dramatique du rapport inégal qui lie le Nord au Sud de la planète. De ce fait, tout approche progressiste et honnête de la question des sans-papiers ne doit ignorer cet élément capital.

Le rapport Nord-Sud est caractérisé par l’exploitation et la domination du Nord sur le les pays du Sud. Le Sud est de ce fait enfermé dans sous-développement. Les pays du Sud travaillent pour le Nord et paradoxalement les pays du Nord « nourrissent » les pays du Sud. Conséquence : destruction des sociétés rurales, donc exode rurale, déracinement et enfin immigration interne suivie de l’immigration externe.

Le Nord, pour faire plier les pays du Sud à leur intérêt et besoin, utilisent plusieurs armes :

le FMI et son plan d’ajustement structurel consiste à faire pression sur les pays du Sud pour mettre en place la politique d’austérité (la réduction des dépenses publiques, la remise en cause de la gratuité de l’enseignement, la privatisation…).

Le contrôle des prix des produits agricoles du Sud. Jadis le Sud parvient à réaliser son auto-satisfaction en matière des besoins élémentaires. Aujourd’hui, il est loin d’être le cas puisque le Sud est alimentairement lié au Nord. Car ce dernier impose au Sud, pour sois disant l’équilibre du marché internationale, certaines agricultures et productions et non d’autres, pour satisfaire les besoins vitaux des populations nordistes. Les pays du Sud sont contraints à vendre leurs produits agricoles à un très bas prix.

La dette est une arme efficace aux mains des nordistes pour perpétuer l’exploitation et le sous-développement du Tiers Monde.

Le Sud est contraint à mener une politique économique qui consiste uniquement à exporter la matière première (vendue à un prix très dérisoire). Il lui est donc prohibé de planifier une véritable politique économique industrielle et agricole pour réaliser l'auto-satisfaction.

Les raisons de l’immigration sont donc liées à ce contexte de domination et d’inégalité qui règne dans le monde et qui régule le rapport Nord-Sud. L’immigration forcée est de ce point de vue favorisée par le Nord à cause de l’exploitation, la misère et le sous-développement imposée aux pays sudistes.

C’est donc dans ce contexte que nous considérons la question des sans-papiers et l’immigration clandestine et forcée. Si les pays du Tiers Monde sont laissés se développer librement sans l’intervention du Nord, l’immigration forcée et clandestine n’aurait pas raison d’être. C’est pourquoi, dans ce contexte, la régularisation des sans papiers, l’ouverture des frontières et la libre circulation est une nécessité pour l’échange culturel, économique entre le Nord et le Sud.

LA POLITIQUE D’AIDE AU DÉVELOPPEMENT

Depuis l’arrivée de la gauche plurielle au pouvoir en juin 1997, la question de l’aide au développement et la participation des immigrés sont prises au grand sérieux. L’achèvement de l’opération de régularisation de certaines catégories de sans-papiers a montré qu’il reste encore, officiellement, plus de 60.000 sans papiers déboutés dont un grand nombre de Marocains, Maliens et Sénégalais. Que faire donc de ces 60.000 ?

C’est pourquoi les programmes du gouvernement français (particulièrement le rapport élaboré par Sami Naïr) dans le domaine de l’aide au développement sont destinés en priorité à ces trois pays. Il est donc claire que l’objectif de ces programmes n’est qu'une tentative consistant à l’arrêt et au contrôle des flux migratoires.

La vraie politique d’aide au développement devrait cibler l’ensemble des pays du Sud et non seulement les pays « exportateurs d’immigrés ».

Malgré ces considérations, il est indispensable pour le mouvement associatif et particulièrement l’AMF d’observer une vraie vigilance quant aux véritables débouchées des programmes relatives à la question de l’aide au développement.

Il faut dénoncer, s’agissant de l’aide au développement, les liens suivants :

- L’aide au développement et la volonté de maîtriser les flux migratoires.

- L’aide au développement et l’incitation des immigrés à retourner chez eux.

- L’aide au développement et l’expulsion des sans-papiers déboutés de la régularisation.

La réussite des politiques à l’aide au développement nécessite des conditions indispensables suivantes :

- L’aide au développement doit être destinée aussi bien aux pays « exportateurs de l’immigration » qu’à l’ensemble des pays du Sud en général.

- L’aide au développement ne peut se dérouler dans les meilleures conditions sans l’édification de la démocratie véritable, de l’Etat de droit, de la justice sociale et du respect es droits humains dans les pays concernés.

- L’aide au développement ne peut voir le succès sans l’implication active et nécessaire des composantes de la société civile (associations indépendantes et démocratiques, organisations syndicales, organisations politiques démocratiques et progressistes) dans les pays du Sud.

- L’aide au développement doit se faire sans le concours des Etats ou de ses organisations satellites car ceux-ci ne songent jamais à satisfaire les aspirations du peuples du Sud.

LA VIE ASSOCIATIVE

L’AMF réaffirme son ambition de jouer un rôle capital pour unifier le mouvement associatif issu de l’immigration pour assurer une meilleure défense des droits des immigrés et ceux issus de l’immigration en France.

L’AMF devrait opter pour une stratégie unitaire et fédérative dans le monde associatif immigré en France comme dans l’ensemble des pays européen.

Un premier pas indispensable dans ce sens serait de trouver un débouché fédératif aux initiatives communes et unitaires que l'AMF a d'ors et déjà entreprit avec certaines associations marocaines et maghrébines notamment.

LA QUESTION DES DROITS DE L’HOMME

La question des droits de l’Homme devient une question centrale de l’action associative. Elle devient un élément fondamental dans les sociétés civiles à travers le monde. Les forces rétrogrades tendent de les vider de leur contenu réel et les transformer en un ensemble de principes formels servant leurs propagandes et masquant les actions attentatoires à ces droits.

L’AMF réaffirme la nécessité de continuer d’œuvrer pour l’application réelle de ces droits, dans leurs globalité et universalité, pour leur donner un contenu concret et juste et pour la participation de l’immigration marocaine à l’épanouissement de ces droits au Maroc et ailleurs dans le monde.

Seule une démarche s’inspirant d’une conception globale et universelle des droits de l’Homme et se référant aux traités et conventions européens et internationaux en la matière, est à même d’assurer le respect des peuples et des citoyens et leurs droits à une vie digne, à la liberté, à l’égalité, à la justice, à la promotion sociale, politique, économique et sociale.